mercredi 6 août 2008

20- La dernière partie d'échecs - Texte court de Nathalie Racine

La dernière partie d'échecs
Tu arrives, lunettes noires, sac à dos, sourire entre deux… encore…
Tu t’approches de la table, je reconnais ton parfum,
te penches pour m’embrasser affectueusement…
Avec le temps, j’ai appris à percevoir chacun de tes ressentis au travers de tes gestes, de tes regards, de la pression de tes lèvres sur mes joues quand tu y déposais tes “bonjour” .
Sourires tendres, regards complices, j’ouvre la conversation sur des banalités, le temps pour toi d’évaluer ce qu’il reste de magie, après les derniers événements.
En quelques instants, je te retrouve confiant, rassuré…
Les premières pièces du jeu sont avancées.
Tu cherches la faille… celle où tu pourrais être le grand sauveur, le prince, celle où tu pourrais glisser ton baume, où tu pourrais te sentir une fois de plus utile.
Je contre… il n’y a pas de faille à ma vie de femme.
Sourire.
Il te faut changer de tactique…
Je rentre dans le jeu...
J’ouvre les diagonales de ta vie, tranquillement.
Tu avances tes pions... protection...
Cavalier, je bondis d’un “toi “, à un “nous”… trois petits sauts légers sur ce “nous d’avant”, “nous présent”, et arrivée triomphante sur le “nous de toujours”. Celui de l’amitié, de la complicité, de la tendresse, celui qui a traversé le temps, les tempêtes, ce “nous ” tolérant, respectueux…
Surpris ? désarmé ? une fois de plus je déstabilise tes coups d’avance. Je ne suis jamais là où tu penses me trouver, tu le sais pourtant… Mais c’est ce que tu as toujours aimé. Tu te dévoiles, ton regard se fait rieur, ton sourire fuyant, le temps de reprendre la main sur le jeu. Il te faut agir vite, ne pas perdre l’avance que tu pensais avoir…
Attaque… douce, sur ce cavalier, avec une artillerie de ” je n’ai pas oublié “, de ” regards appuyés”, ta main qui se pose sur la mienne.
Contre attaque… je sacrifie le cavalier, et couche ton artillerie.
La partie se fait longue, reste sur l’échiquier les pièces maîtresses…
Une pause jusqu’à ce soir, bien tard…
le temps pour toi, de parfaire ton jeu, tes stratégies.
Le temps pour moi, de ne pas changer de jeu, de rester sur ma voie, de sourire à tes attaques, d’un sourire ou la nostalgie ne se pose, car tout a toujours été dit, et qu’il n”y a aucun regret ni remord, la place est nette.
Nous revoici devant l’échiquier.

Tu as sorti tes tours, forteresses d’amis communs qui attaquent gentiment sur de grandes lignes droites, il te reste ton garde Fou, cet alcool dans lequel tu plonges goulûment, fuyant ainsi en diagonales noires les cases blanches de ta vie. Tu réserves ta Dame de coeur, protectrice sur le Roi Vie, dernier atout, que je sens venir, au terme du sacrifice de toutes mes armes.
c’est ce dernier coup que j’attends patiemment, que tu gardais précieusement sous tes regards.

Le voici donc… tes bras autour de mes épaules, ton sourire de gamin, et ta voix qui me demande une fois de plus de te ramener jusqu’à chez toi, au nom de l’amitié.
Je connais cette pièce maîtresse du jeu, la Dame, celle qui change de direction, qui parle d’amitié et peut glisser sans crier garde sur d’autres chemins..

Il ne reste que ma Dame, pour accompagner mon Roi vérité sur les cases Heures qui défilent vers le petit matin.
Je joue le jeu, tu souris. Gagnant ?!
La partie n’est pas terminé, l’ami.

Une fois de plus, je te guide jusqu’à la porte de chez toi. Le trousseau de clefs résonne dans le couloir désert de ce petit matin.
Nous passons la porte, tu occupes les dernières limites de mon territoire, tentant de bloquer Ma Dame Vie, et faire tomber mon Roi Vérité.

Je t’allonge sur le lit, monte la couverture sur tes larges épaules. Ton regard installe le silence des mots, cherchant dans le mien la première parole salvatrice. Déjà tu affiches ton sourire gagnant.
Ma Dame Vie fait tomber la pièce maîtresse de ton jeu, par ce baiser amical que je pose sur ta joue, ma main essuie la larme d’enfant qui glisse sur ta joue.
ECHEC
Tu tentes une dernière esquive, te perds dans des déjà dits, déjà vus, déjà entendus, dans les cases d’un passé révolu, d’un présent sincère qui n’entraînera comme toujours jamais de demain créateur.
Je t’impose ma Dame Vie, mon Roi vérité, encerclant ainsi le roi de ta vie qui se perd en questions sans réponses.

ECHEC ET MAT

Il est des amours dans la vie qui peuvent se révéler dévastateurs si nous nous y accrochons. De cet amour nous pouvons tout de même sortir vainqueur, si nous faisons l’effort de regarder la vérité en face, pour continuer sa vie avec un regard plus grand vers d’autres rencontres.
Je laisse là, sur le bord du lit, les amours dévastatrices, je me lève doucement et me dirige vers la porte.
Tu ne tentes pas de me retenir, tu sais que je ne fais jamais marche arrière sur toutes mes décisions mûrement prises.

Et pourtant, tu ne t’attendais pas à cette fin de partie. Pensant être toujours maître du jeu de la vie des autres, pensant ton compagnon de jeu bien trop souple, léger, pour résister à tes quatre coups d’avance.
Mais moi, je ne suis restée tout le long du jeu que moi même, fidèle à mon Roi Vérité, fidèle à la dernière promesse que j’avais faite il y a bien des mois en arrière, celle de ne plus jamais retomber sous les avances de ta Dame.
Tu t’es endormi, beau joueur, bon perdant.
J’ai refermé la porte et déposé les clefs dans la boite aux lettres.

Déjà le jour s’est levé.
Nathalie Racine.
Mars 2006…


Merci Nathly de me laisser afficher cette partie d'échecs. Lire tes multiples lignes d'écritures... sur http://nathly83.unblog.fr.

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